
Le parchemin, témoin des sceaux disparus
Dès leur origine, les parchemins scellés étaient pliés et ont été conservés ainsi. L’observation méticuleuse de ces pliages montre qu’ils ne sont pas réalisés au hasard ni dans le but de gagner de l’espace de rangement, préoccupation bien contemporaine de nos dépôts d’archives. L’objectif de cette pratique nous semble bien plus noble, à savoir, assurer la conservation du document. Et au-delà de son texte, le document préserve ce qu’il a de plus précieux : son sceau. Les plis successifs recouvrent peu à peu celui-ci, c’est pourquoi la taille des parchemins pliés correspond à celle du sceau, précieusement emballé par la charte qu’il valide et signe.
Cette observation nous amène à revenir sur une question souvent débattue : faut-il mettre les documents à plat ? Pourquoi ? Et comment ? Nous verrons que les interventions massives de mise à plat résultent moins d’une réelle démarche de conservation que d’une mode actuelle, celle de la numérisation de plus en plus massive des documents, sans tenir compte de la spécificité matérielle de certains corpus. Encore une fois, dans ces campagnes, le document scellé est traité comme tout autre document d’archives, dans un oubli total de sa nature composite et des propriétés spécifiques de ses matériaux constitutifs. La notion de « dématérialisation » avec tous les risques qu’elle comporte sévit bien avant la numérisation. L’on peut alors se demander si nous ne sommes pas en train, comme au XIXe siècle, de privilégier la copie à l’original, l’image numérique jouant aujourd’hui le rôle du moulage en plâtre d’antan. Au-delà de tirer l’alarme sur les exigences, les risques et la pérennité des numérisations, cet article vise à dévoiler les informations que nous livre le parchemin sur les sceaux disparus. Nous montrerons comment détecter les signes et traces qui permettent de reconstituer ces objets manquants dont seul le document conserve la mémoire. Nous montrerons qu’au-delà d’affirmer que tel ou tel document était scellé, nous pouvons même déterminer quelle était la nature matérielle de ce sceau, couleur, taille, matériau, et parfois même son iconographie. Pour mettre en évidence ces données retrouvées, nous nous attacherons tout particulièrement aux corpus des chartes mérovingiennes et carolingiennes avant d’étendre cette démarche à l’ensemble des typologies des chartes scellées. Enfin nous insisterons sur le risque de perte définitive de ces données historiques lors d’interventions excessives et généralisées de nettoyage ou de mise à plat des chartes de parchemins.
Article issu du Support/Tracé n°15, disponibe en téléchargement immédiat.
Mots-clefs :
- parchemin
- sceaux
- Archives nationales
- conservation-restauration
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